De force

12 avril 2016

"Pour qu'elle puisse avoir une vie , il est prêt à donner la sienne."

Giebel Karine
528 pages
Éditions Belfond (2016)
Elle ne m'aimait pas. Pourtant, je suis là aujourd'hui. Debout face au cercueil premier prix sur lequel j'ai posé une couronne de fleurs commandée sur internet. Car moi, j'ai voulu l'aimer. De toutes mes forces. De force. Mais on n'aime pas ainsi. Que m'a-t-elle donné ? Un prénom, un toit et deux repas par jour. Je ne garderai rien, c'est décidé. A part le livret de famille qui me rappelle que j'ai vu le jour un 15 mai. De mère indigne. Et de père inconnu. Lorsque j'arrive devant la porte de mon ancienne chambre, ma main hésite à tourner la poignée. Je respire longuement avant d'entrer. En allumant la lumière, je reste bouche bée. Pièce vide, tout a disparu. Il ne reste qu'un tabouret au centre de la pièce. J'essuie mes larmes, je m'approche. Sur le tabouret, une enveloppe. Sur l'enveloppe, mon prénom écrit en lettres capitales. Deux feuilles. Ecrites il y a trois mois. Son testament, ses dernières volontés. Je voulais savoir. Maintenant, je sais. Et ma douleur n'a plus aucune limite. La haine. Voilà l'héritage qu'elle me laisse.
Extrait :

« — Tu es triste parce que maman est morte, hein ? Je sais, petit… J’ai fait les courses, ce matin ! ajoute-t-il d’un ton plus enjoué. Et je n’ai pas oublié de t’acheter ton Nutella… Non, je n’ai pas oublié ! Tu n’auras aucune raison de râler, cette fois.
C’est alors que son visage se transforme. Des rides barrent soudain son front. Comme s’il venait de réaliser qu’il avait oublié quelque chose d’important.
Quelque chose de capital, même.
Ce n’est pas le Nutella… Mais quoi, alors ?
Il secoue la tête, tristement. Avant de tourner le dos au portrait et de serrer les poings.
Oui, il a oublié quelque chose d’important.
Il a oublié que le petit garçon est mort.
Il ouvre le placard au-dessus de l’évier crasseux. Des dizaines de pots de Nutella sont alignés sur l’étagère.
Un par semaine, il en achète. Lorsqu’ils sont périmés, il les descend au sous-sol. Il en a des caisses pleines dans la cave. Il ne faudrait pas que le jeune garçon s’empoisonne.
Finalement, il retourne le cadre. »

Mon avis :

Dans la région niçoise, alors qu’elle sort comme souvent chaque soir promener son chien, Maud, une jeune fille d’une vingtaine d’années, se fait agresser dans une rue sombre. Au moment où son bourreau s’apprête à la violer, Maud est sauvée in extremis par un inconnu passant par là, faisant fuir son assaillant. gé de vingt-six ans, Luc Garnier est gardien de nuit dans un musée après avoir fait plusieurs missions comme garde du corps. Fille du professeur en médecine Armand Reynier, richissime homme demeurant avec sa fille et sa nouvelle épouse dans une grande villa, Maud va devenir sa nouvelle protégée. Embauché par Reynier, Luc va emménager dans leur résidence et faire tout son possible pour veiller à la sécurité de la jeune femme. Mais c’est sans compter sur la ténacité et les menaces de l’agresseur qui continue à errer librement, bien décidé à terminer ce qu’il a commencé. Et les nombreux secrets que cachent cette famille.
De force est le premier ouvrage que je lis de Karine Giebel. C’est pour moi une belle découverte. Avec très peu de personnages, l’intrigue fait son effet. Nous évoluons dans un genre de huis-clos dans la vie de la famille Reynier pour tenter de comprendre ce qui pousse ce fou à agir ainsi. Les suppositions et le suspense sont présents tout au long de l’histoire, nos suspicions allant d’un personnage à un autre sans réellement envisager ce que nous cache le final. J’ai été surprise et je n’ai rien vu venir même si le prologue nous laisse entrevoir une histoire de vengeance derrière tout cela. La narration est fluide et on se laisse porter par les mots de l’auteure. J’ai apprécié les quelques pages entre les chapitres où nous découvrons les pensées de l’agresseur. La tension est omniprésente. C’est une histoire sombre et oppressante qui nous pousse à dévorer toutes les pages. Une jolie surprise pour moi que je vous conseille de lire.

★★★★☆



Après une scolarité sans histoire dans le Var (où elle vit toujours), Karine Giébel poursuit des études de droit tout en s’essayant à divers métiers (surveillante, pigiste, photographe..). Elle est désormais juriste dans la fonction publique territoriale. Ses romans sont traduits en 9 langues. http://www.karinegiebel.fr/




À propos de Sariah'Lit:

Stéphanie, férue de lecture et blogueuse depuis 2013. Elle ne passe pas une journée sans avoir un livre entre les mains pour s'évader.

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