Un bon garçon

5 avril 2016

"L'été tout change."

McVeigh Paul
256 pages
Éditions Philippe Rey (2016)
Collection littérature étrangère
Irlande du Nord, fin des années 80, en plein conflit entre catholiques et protestants à Ardoyne, quartier difficile de Belfast. Mickey, le narrateur, vit sa dernière journée à l’école primaire avant les vacances d’été. Bon élève, il se réjouit d’avoir été admis dans une Grammar school – collège « d’élite » –, et d’échapper ainsi à ses condisciples actuels. Mais, lors d’un surréaliste rendez- vous chez le directeur, il apprend que son père a dépensé l’argent censé payer sa scolarité. Ce sera donc St. Gabriel, le collège de base fréquenté par son grand frère et tous les gamins du coin.
Le petit chien offert par ses parents ne suffit évidemment pas à faire oublier le goût âpre de ces vacances qui commencent, et Mickey décompte avec angoisse le nombre de semaines le séparant de la rentrée. Rêveur, il passe son temps à inventer des histoires et à imaginer ce que serait sa vie en Amérique. Il adore sa mère et sa petite soeur, mais redoute son père alcoolique et sa brute de grand frère qui, comme tous les garçons du quartier, n’aime rien tant que le tourmenter. Parce que, tous s’accordent à le dire, Mickey est « différent » : enfant doué et sensible pour la plupart des adultes, « petit pédé » qui joue avec les filles pour les autres…
L’IRA, les bombes, les émeutes, les affrontements avec l’armée britanniques : Mickey évolue au milieu de ce climat troublé avec son innocence et ses rêves de gamin. Son chien est tué par une bombe, un soldat meurt devant ses yeux… Les « Troubles » viennent frapper à sa porte et Mickey réalise que pour protéger sa mère et sa soeur il va lui falloir franchir quelques lignes. Avec beaucoup de sensibilité, de tendresse et d’humour, Paul McVeigh réussit à nous faire partager le point de vue du petit Mickey. Et là est la grande force de ce roman : donner à nos yeux d’adultes ce regard d’enfant.
Extrait :

« M'man tousse, bouge sur sa chaise et regarde par terre.
« … Malheureusement... Michael, tu ne pourras pas aller à St Malachy's. »
Mr Brown remue la bouche mais il n'y a pas de son. Concentre-toi Mickey – ne décroche pas ! J'entends quelque chose comme « cinq ans... trajets... uniformes et livres... deux bus aller et deux bus retour.
-Mais j'aime bien le bus ». Je regarde M'man pour qu'elle me soutienne, mais elle a les yeux fixés sur Mr Bown, qui se lève et va tripoter les stores tout en continuant à parler. J'entends ma respiration. Je ne comprends toujours pas ce qu'il raconte, comme quand Paddy monte et baisse le son de la télé pour m'embêter. »

Mon avis :

Un bon garçon raconte l’été de Mickey, ses dernières vacances avant d’entrer au collège, alors qu’autour de lui l’Irlande est agitée par des conflits entre protestants et catholiques. Les bombes, les émeutes, la violence sont son lot quotidien. Le jeune garçon est issu d’une famille de classe ouvrière installée à Belfast, avec un père démissionnaire qui dilapide l’argent de la famille en jeux et boissons, un mère qui cumule les emplois pour faire vivre ses enfants, un grand-frère agissant peut-être pour le compte de l’IRA … Malgré les violences et le climat instable autour de lui, Mickey conserve un sens de l’humour et une vision du monde bien à lui, ce qui fait de lui un petit garçon différent des autres. Du haut de ses 10 ans, c’est un personnage qui n'a pas tout à fait atteint la puberté, dont le film préféré est Le Magicien d'Oz, et qui rêve d'une vie glamour en Amérique. Il est assez solitaire, très proche de sa mère et de sa jeune soeur, et n’a qu’un souhait : rejoindre St Malachy's, une école d’élite, pour ne plus subir les moqueries des autres enfants qui ne l’acceptent pas auprès d’eux. Mais voilà, ses parents n’ont plus les moyens de l’y envoyer. Et Mickey n’accepte pas l’idée. Il va devoir changer s’il veut se faire accepter des autres, être aimé dans le monde où il évolue. C'est un personnage déchiré entre le désir de se démarquer comme étant différent tout en essayant de se faire accepter dans un groupe. Voilà comment au cour d’un été, Mickey va explorer une autre facette de sa personnalité. Un livre qui par bien des côtés m’a rappelé Billy Elliot, l’un rêvant de devenir danseur alors que l’autre souhaite être acteur. Des rêves et des espoirs d'enfants... Tout deux sont opprimés à cause de leur côté efféminé, de leurs activités qui ne correspondent pas aux stéréotypes admis. Il y a quelques scènes vraiment touchantes dans l’ouvrage et une accumulation de sentiments entre les membres de la famille qui font qu’on apprécie découvrir l’histoire même si j’ai eu parfois quelques difficultés avec le côté “historique” et conflictuel de l’intrigue. L’innocence et la sensibilté de Mickey sont attendrissantes. Mais la fin du récit m’a laissé un sentiment d’inachevé. Paul McVeigh nous propose un ouvrage d’apprentissage sensible et intéressant tout en donnant une vision particulière sur les troubles.

★★★☆☆



Né à Belfast, Paul McVeigh a commencé sa carrière d’écrivain comme dramaturge avant de déménager à Londres, où il a écrit des comédies pour le théâtre, qui se sont jouées au Festival d’Édimbourg et à Londres. Directeur du London Short Story Festival, il est lui-même l’auteur de nouvelles, publiées dans des revues et des anthologies littéraires, et lues dans différents programmes à la radio. Il signe ici son premier roman.




À propos de Sariah'Lit:

Stéphanie, férue de lecture et blogueuse depuis 2013. Elle ne passe pas une journée sans avoir un livre entre les mains pour s'évader.

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