Et tu n’es pas revenu

23 septembre 2016

"Survivre vous rend insupportables les larmes des autres."

Loridan-Ivens Marceline
128 pages
Éditions Le Livre de Poche (2016)
Collection Littératures & Documents
J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille.
Extrait :

« J'ai été quelqu'un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d'être triste et rire quand même. Les gens aimaient ça de moi. Mais je change. Ce n'est pas de l'amertume, je ne suis pas amère. C'est comme si je n'étais déjà plus là. J'écoute la radio, les informations, je sais ce qui se passe et j'en ai peur souvent. Je n'y ai plus ma place. C'est peut-être l'acceptation de la disparition ou un problème de désir. Je ralentis.
Alors je pense à toi. Je revois ce mot que tu m'as fait passer là-bas, un bout de papier pas net, déchiré sur un côté, plutôt rectangulaire. Je vois ton écriture penchée du côté droit, et quatre ou cinq phrases que je ne me rappelle pas. Je suis sûre d'une ligne, la première, «Ma chère petite fille», de la dernière aussi, ta signature, «Shloïme». Entre les deux, je ne sais plus. Je cherche et je ne me rappelle pas. Je cherche mais c'est comme un trou et je ne veux pas tomber. »

Mon avis :

Et tu n'es pas revenu évoque les camps de concentration nazis, une histoire vraie narrée par l’une des survivantes. Au début de l’année 1944, Marceline, alors âgée de quinze ans, et son père font partie d’un convoi nazi qui les embarque, avec de nombreux autres juifs, dans un camp situé en Pologne. Elle se retrouve à Birkenau tandis que son père est enfermé à Auschwitz, le camp voisin. Elle nous décrit la vie qu’elle a menée là-bas, son travail proche des chambres à gaz où elle voyait femmes et enfants ne jamais revenir, où elle voyait ses amies mourir les unes après les autres. Et l’attente, l’espoir de pouvoir revoir son père, imaginer sa vie après avoir vécu l’horreur.
Le texte est court et se lit très rapidement. Marcelline s’adresse, à travers son ouvrage, à son père qui n’a pas survécu à la barbarie des nazis. Comme s’il l’avait pressenti avant de se quitter, le père de Marcelline lui avait dit qu’elle seule sortira vivante de cette folie, et ces mots n'ont eu de cesse de la hanter. Elle fait un constat concis sur ce qu’elle a vécu, sur son incapacité à mener une vie normale par la suite malgré les attentes qu’aurait eu son père pour elle, pour sa famille. Un récit qui garde une certaine douceur et pudeur malgré les événements plutôt sombres qu’il nous décrit. Et, forcément on ne peut qu'adhérer à ce récit bouleversant.

★★★★☆



Marceline Loridan-Ivens, née Marceline Rosenberg, est une cinéaste française née le 19 mars 1928 à Épinal.




À propos de Sariah'Lit:

Stéphanie, férue de lecture et blogueuse depuis 2013. Elle ne passe pas une journée sans avoir un livre entre les mains pour s'évader.

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